interview
Selim (Kave Fest)
Rencontre avec Selim, le “boss” du Kave Fest qui nous parle de ce super festival, et de son édition 2024 qui marque un tournant dans la vie de cet évènement.
Bonjour Selim. Question que tout le monde doit vous poser. Comment passe-t-on d'un concert en 2016 dans son jardin, à 3 jours de festival au Château de Gisors en 2024 ?
Dit comme ça, c’est sûr que ca parait impossible ! Plus sérieusement, ça s'est fait étape par étape et en plusieurs années de travail. Déjà en 4 ans nous sommes passés d’un simple concert à un véritable festival maîtrisé dans le jardin. Le lieu étant devenu trop petit pour la suite, il a fallu alors trouver le lieu suivant : un château, pour préserver notre ambiance chaleureuse et familiale. Une fois dans le château, là aussi ça s'est fait étape par étape, et ce n’est qu’au bout de 3 éditions que le troisième jour a été incorporé à l’évènement. Finalement c’est simplement améliorer tous les curseurs chaque année en se remettant en question, et ainsi de suite jusqu’à arriver là où en est. Mais c’est sûr que si on nous avait dit à l’époque du jardin qu’on allait finir dans un immense château avec plus de 1000 personnes et des têtes d’affiche pareilles, on y aurait jamais cru !
Cette année, c'est la 1ere fois que le festival se déroule sur 3 jours, c'est quelque chose qui pourrait se pérenniser en cas, je vous le souhaite, de succès ?
Oui effectivement c’est la première fois que l’on passe sur 3 jours, après 2 éditions bien réussies sur 2 jours. Ce n’est pas la seule amélioration sur laquelle on a travaillé cette année, mais c’est vrai que deux jours ça passait finalement très vite pour tout le monde, et quand on baigne dans cette bulle de bonne ambiance, on a envie que ça ne s’arrête pas tout de suite ! Alors oui, si tout se passe comme prévu cette année nous allons rester sur 3 jours par la suite.
Avec les difficultés de beaucoup de "petits" festivals pour survivre, beaucoup malheureusement ont été obligés de renoncer, vous êtes toujours là. Vous avez un secret, ou plus sérieusement, comment vous faites ?
C’est un très bon point. En réalité de l’extérieur on réalise très peu l’immense coût financier que demande un tel évènement. Et je pense que certains surestiment leurs recettes dans leurs prévisions et donc flambent trop en amont, et/ou ne font pas ce qu’il faut pour obtenir les recettes prévues en imaginant un nombre de festivaliers et de consommation démesuré. Alors bien sûr on reste un jeune festival et nous n’avons pas la prétention de tout maîtriser, mais disons que depuis le début on est ultra vigilant sur les estimations, les coûts, les prévisions, les négociations, etc… Plusieurs personnes du Krew ont des métiers le reste de l’année sur des sujets similaires, et ça nous aide à optimiser la qualité financière du festival. Pour autant ce n’est jamais évident, surtout lorsque l’on cherche à faire toujours mieux chaque année.
Vous êtes montés crescendo en matière de capacité en spectateurs, pour arriver, on l'espère à 5000 spectateurs cette année. Tous les ans, les gens vous suivent dans cette aventure et viennent faire la fête, ça doit sacrément faire plaisir ?
Alors effectivement on est monté pas à pas sur la fréquentation, avec une première édition autour de 100/150 personnes pour finir à plus de 1000 par jour l’année dernière. Cette année nous visons entre 1250 et 1500 personnes par jour. Effectivement, on est très reconnaissant de l’investissement et de la fidélité de notre public. On les sent très motivés et très investis chaque année. On entend souvent qu’ils attendent notre festival familial de pied ferme et ça nous fait super chaud au cœur. En fait, je pense que c’est aussi ça qui fait notre force : notre festival a toujours voulu développer une ambiance familiale et on fait le plus possible pour que les gens s’y sentent comme chez eux.
Qu'est ce qu'a le Kave Fest qui attire les spectateurs, je veux dire, en plus de la programmation ?
En premier lieu je dirai l’ambiance. On a toujours voulu développer un festival chaleureux, où on s’y sent bien et comme chez soi. Un festival à taille humaine aussi, notre but n’est pas de finir à 50 000 personnes par jour, au contraire, on voudra toujours conserver un nombre de personnes où l’on peut encore préserver une ambiance “cocon” et un sentiment d’unité entre les gens. Après, on travaille aussi pour agrémenter notre partie village, avec des artisans, des exposants, des animations médiévales et diverses. La “Kuisine” aussi est développée avec des recettes maisons et des produits locaux de super qualité, le bar propose une bière artisanale locale, etc…
Comment vous choisissez les groupes, quels critères prenez-vous en compte ? Financier ça c'est évident, mais pas que ça je suppose ?
Effectivement nous prenons en compte le caractère financier lors de la sélection des groupes, pour notamment coller aux budgets et prévisions comme expliqué plus tôt, mais on regarde aussi et surtout la notoriété du groupe en question. Par notoriété, on entend son actualité en termes de show, de tournées, de salles remplies, de communications avec son public, d’identité, etc… On prend aussi en compte si des sorties d’albums se font ou se feront au moment du festival par exemple. Et enfin, avec le temps on a noué des liens solides avec certaines productions / certains tourneurs, donc on échange régulièrement et on réfléchit ensemble aussi pour trouver de belles solutions. C’est un problème complexe où plein de choses rentrent en compte, mais on finit toujours par trancher.
Je sais que des programmateurs de festivals prennent parfois des groupes qu'ils n'aiment pas spécialement musicalement, mais qui font recette. Vous c'est quand même plus la passion de la musique qui l'emporte ?
Alors là dessus le premier avantage c’est que dans le Krew on a tous les goûts ! Du coup, peu importe le style de métal que l’on choisit, il y a toujours des gens de chez nous qui sont émerveillés et heureux de la nouvelle. C’est d’ailleurs pour ça qu’on a toujours eu une affiche éclectique, et ce depuis le jardin. On a toujours eu à cœur de mettre en avant tous les styles de metal, et nous continuerons à le faire ! L’enjeu par contre, reste de toujours se raccrocher à la réalité économique lorsque l’on doit trancher des débats.
Cette année, le vendredi 21 juin, fête de la musique, les concerts sont gratuits. C'est l'occasion qui fait ça ? Ou bien c'est peut être quelque chose qui pourrait se renouveler ?
Effectivement on a profité de l’occasion de la fête de la musique pour lancer notre troisième jour. En fait c’est à bénéfice réciproque : la ville obtient une délégation de confiance pour organiser quelque chose pour sa localité pour la fête de la musique, ce qui est parfait pour leur plan de dynamisation de la région, et nous on obtient un soutien accru de leur part, en termes de matériel octroyé par exemple. Ça nous permet donc de tester ce nouveau format avec moins de prise de risque et plus de facilité, pour justement y aller pas à pas et voir comment pérenniser cette nouvelle offre. Disons donc que ce contexte de fête de la musique nous permet de faire du repérage plus facilement sur ce nouveau format, mais que dans l’idée oui nous aimerions grandement conserver 3 jours à l’avenir.
Organiser un festival de musique metal dans un cadre historique comme le château de Gisors doit sûrement impliqué pas mal de restrictions. Ça ne doit pas être évident ?
Oui c’est vrai qu’organiser un festival metal dans un lieu protégé du patrimoine français ce n’est pas une mince affaire. C’était particulièrement délicat la première année, d’autant plus que notre style ne jouit pas toujours d’une image respectueuse et calme. Pourtant, dans les faits les gens sont souvent beaucoup plus sages, propres et respectueux que dans d’autres univers, mais disons qu’il a fallu que la région s’en rende compte par elle même et à l’issue de la première édition. Aujourd’hui, cela ne reste pas évident car vous ne pouvez pas tout développer comme vous l’entendez, il faut toujours consulter avant de prendre une décision car on ne peut se permettre de prendre le risque de détériorer le lieu. Après, on a nous même conscience que c’est un lieu sublime et chargé d’histoire, donc on ne propose jamais rien de farfelu non plus, et avec le temps la confiance avec la région est très forte donc nous prenons le temps de nous écouter et de trouver des compromis ou solutions.
Vous n'avez qu'une seule scène, donc les changements de plateaux peuvent être longs parfois, qu'est ce que le public peut faire en attendant ?
Oui nous n’avons qu'une seule scène, le coût de la deuxième étant particulièrement risqué encore aujourd’hui. Cela dit on a mis au point des process et des équipes redoutablement efficaces pour les changements de plateau, si bien que les temps ne sont pas si longs (entre 20 et 30 minutes maximum) : c’est au contraire l’occasion de souffler un peu, d’aller se restaurer ou se sustenter, d’aller faire un tour au village, d’aller voir les animations ou tout simplement de faire une pause. Qui ne s’est jamais plaint dans un festival plus gros qu’il est crevé d’enchaîner les concerts à 8h d'affilée (rire) ? Plus sérieusement, nous faisons au mieux pour que les changements soient rapides, et on remercie d’ailleurs le staff pour leur efficacité et les artistes pour leur compréhension, et on fait en sorte de garnir le festival pour que les gens s’occupent différemment pendant ces moments.
Quelles sont les infrastructures pour accueillir les spectateurs qui viennent les 3 jours ?
Comme chaque année, on cherche à s’améliorer à tous les niveaux. On a donc réuni plus de stands au village, augmenté les animations, mis plus de toilettes et urinoirs, doublé la capacité du camping, incorporé de meilleurs espaces picnics, prévu beaucoup plus de décorations, etc…
Un petit mot sur le logo du festival ?
(rire) Ce logo est né, comme tout le reste en fait, d’un délire entre copains du lycée. On a toujours rigolé sur la chevalerie et le médiéval, et très rapidement on s’imaginait avec des blasons fénix pour notre confrérie 100% fictive lors de parties endiablées de donjons et dragons. Lorsqu’il a fallu trouver un logo pour notre évènement, le choix s’est imposé de lui-même : un pavois avec un beau fénix en son sein !
Avant de terminer cette interview, quel est, ou quels sont les meilleurs souvenirs, ou concerts, que vous avez conservé et à l'opposé, y a t il un ou des pires ?
Alors pour les bons souvenirs c’est très compliqué parce que pour le coup depuis le jardin c’est 99% de bons souvenirs lors des concerts… Compte tenu des différences de goût de chacun des membres du Krew, je dirais que ça dépend aussi de qui répond à cette question. Mais sinon je dirais que l’année où nous avons eu l’enchaînement “Out Of My Eyes”, “DTC”, “Resolve”, “Ten 56”. Là, c’était une bagarre sans nom et une ambiance de tarée pendant 3/4 heures…
Pour le mauvais souvenir, hélas je dirais les soucis techniques rencontrés par “Myrath” : un de leur matériel était défectueux et faisait sauter le son toutes les 15/20 secondes pendant 1 ou 2 secondes. Certes, le problème ne venait pas du tout de nous, mais c’était un gros déchirement. Les gens étaient en colère et déçus, pour la grande majorité nous étions en plus les responsables de ces couacs techniques, et ça a été très dur à digérer. Heureusement, le groupe est resté ultra professionnel dans son attitude et son jeu de scène, ils sont restés super sympas et rassurants avec nous, et ont même plaidé coupable sur leurs réseaux. Donc en fin de compte ce mauvais souvenir a fini par en devenir un bon, puisque tout s’est arrangé et qu’aujourd’hui nous pouvons en rigoler aisément. Mais sur le moment c’était un déchirement encore une fois. Encore un immense merci à eux d’ailleurs pour ce qu’ils ont assuré malgré ça et pour avoir été si sympas avec nous et sur les réseaux !
Merci pour cette interview, et bon festival…
Merci…
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L&T le 17.06.2024