interview

Grant Haua
Quand les influences de la culture Maori se teintent de beaucoup de blues et d’Americana, cela donne une musique unique, un blues aux sonorités inédites. Une rencontre avec Grant Haua, grand amateur de musique mais aussi de rugby, qui nous parle de son album "Awa Blues" sorti sur le label Dixiefrogs. C'est Fred Delforge (zicazic.com) qui s'est chargé de cet entretien.


L&T: Bonjour Grant Haua, peux-tu rapidement te présenter pour que nos lecteurs arrivent à cerner ton personnage ?
Grant: Kia Ora, bonjour, je suis Grant Haua et je viens d’Aotearoa. (NDLR : nom de la Nouvelle Zélande en Maori)

L&T: Peux-tu nous expliquer la signification du nom de ton album, "Awa Blues" ? J’imagine que c’est du Maori …
Grant: "Awa" signifie "rivière" en Maori. Je vis près d’une rivière qui s’appelle "Waitoa", ce qui peut se traduire par "rivière guerrière" en Français, ça fait donc un peu partie de ma famille, de mon ADN …

L&T: Ton public attendait ce nouvel album depuis une dizaine d’années … Pourquoi avoir mis autant de temps pour le faire ?
Grant: J’ai été la moitié d’un duo qui s’appelait "Swamp Thing" pendant huit de ces dix années qui séparent ces deux albums.
J’ai quitté le duo à la fin de l’année 2018 pour me consacrer pleinement à ce nouvel effort, "Awa Blues".

L&T: On trouve toutes sortes d’influences sur "Awa Blues", je pense entre autres à Tom Jones, Ben Harper, Eric Bibb, James Brown, Keziah Jones … Est le fruit du hasard où est-ce dû au fait que ces artistes sont de vraies influences pour toi ?
Grant: Ce sont des influences importantes bien entendu, mon père adorait Tom Jones et donc j’ai écouté beaucoup de ses chansons durant ma jeunesse. Ma mère adorait la soul et c’est pour cela que je suis un très grand fan du Roi de la Soul Music. J’ai découvert Keziah récemment et je me suis penché très sérieusement sur sa musique, j’écoute la musique de Ben Harper et d’Eric Bibb depuis des années, je pense que c’est tout à fait naturel que toutes ces couleurs se retrouvent dans ma manière d’écrire et
de composer.

L&T: Tes compositions sont très personnelles, assez autobiographiques parfois. Quel genre de message essaies-tu de faire passer dans tes chansons ?
Grant: Beaucoup de mes chansons sont le fruit d’un premier jet, c’est facile pour moi d’écrire de cette façon une fois que j’ai ressenti les émotions que je souhaite faire passer dans une chanson, du coup ces chansons ont tendance à sonner vrai et à me ressembler, et je pense que l’auditeur arrive mieux à entrer dans le sujet, ce qui est d’autant plus facile que les sujets que j’aborde peuvent être communs à beaucoup de personnes et qu’il est très facile de se transposer dedans. J’imagine que mon message
principal est de rester authentique et de partager cette authenticité.

L&T: Tu tires tes influences de la culture Maori, tu t’en sers pour en faire une musique aux accents américains et le résultat est tout simplement superbe.Est-ce que tu considères que le blues est un langage universel qui a été en quelque sorte récupéré par les Américains qui ont su mettre en valeurl’influence des populations primaires, le mot n’est en rien péjoratif, pour en faire un art capable de toucher les gens ?
Grant: J’aime l’Americana depuis toujours et le fait d’être Maori m’a permis d’être entouré de musique traditionnelle durant toute ma jeunesse. Les Maoris sont un peuple très marqués par la musique et je pense que la fusion de ces deux styles a été un cheminement naturel pour moi au fil des années. Les Maoris ont été marginalisés au fil des décennies, comme l’ont été les Noirs Américains, mais d’une façon un peu différente. Mais la lutte contre cet état de fait a certainement été un catalyseur pour chanter le blues et nous ne sommes pas différents à cet égard, mais le blues a de nombreuses interprétations à travers de nombreuses cultures de l'ère moderne, et est définitivement maintenant un art mondial capable de toucher tous ceux qui l'entendent. Mais je soupçonne que cela a toujours
été le cas !

L&T: Quelle serait selon toi la définition idéale du Blues ?
Grant: L’apaisement de l’âme par la musique

L&T: Quel est la place du Blues en Nouvelle Zélande ? Je ne me souviens pas avoir eu l’occasion de voir un artiste néo-zélandais à Memphis pendant l’International Blues Challenge, alors que l’on a pu croiser des Australiens, des Philippins, des Coréens, etc.
Grant: Nous avons des clubs de blues dans nos plus grandes villes, c'est une scène assez animée, et un bon endroit pour les plus jeunes pour se perfectionner.

L&T: Sur le plan des concerts, y-a-t-il des clubs de blues pour jouer dans ton pays où est-ce plutôt une scène généraliste où chaque style trouve une place ?
Grant: Oui, et les clubs de blues sont tous connectés les uns aux autres, donc on organise une tournée assez facilement, que l’on soit un artiste national ou international. Nous avons également de plus grandes salles pour les plus grands artistes, quelqu'un comme Ben Harper serait trop important pour jouer dans un club par exemple.

L&T: Comment réagit le public face à une musique qui ne semble pas être "courante" pour lui ?
Grant: Eh bien vous avez toujours des foules plus jeunes qui sont toujours plus intéressées par la musique pop ou le rap, mais le blues a un attrait à tous les niveaux de la part des jeunes et des moins jeunes, et les fans de blues semblent être fidèles sur le long terme. Quant à moi, je suis heureux avec le public quel qu’il soit, dès lors qu’il vienne et s’intéresse à ma musique.

L&T: Comment un artiste néo-zélandais en arrive-t-il à signer avec un label français ? Comment la rencontre avec Dixiefrogs s’est-elle faite ?
Grant: Quand l'album a été fini, je suis parti à la pêche, je l'ai accroché à un hameçon et je l'ai lancé dans l'océan Internet … Et j'ai eu beaucoup de chance d'avoir Dixiefrogs accroché au bout de ma ligne ! Mais il faut reconnaitre que nous avions créé un bon packaging avec quelques bonnes vidéos en plus de l’album, c'était un très bon appât et mon manager, Joel Thompson, m'a aidé à envoyer ma ligne jusqu’à eux. Je suis tellement heureux et reconnaissant de faire partie de l'équipe maintenant.

L&T: Sur "Awa Blues", on retrouve deux musiciens bien connus chez nous, le Français Fred Chapellier et le Texan Neal Black. Comment en êtes-vous arrivés à travailler ensemble ?
Grant: Dixiefrog voulait une chanson supplémentaire qui parle de ma maison et de ma famille, de mes relations maories, etc., c';est ainsi que "This Is The Place" est apparue sur l'album. Nous avons donc dû retourner en studio, mon manager a suggéré que nous collaborions avec leurs artistes pour voir comment nous allions faire par la suite pour faire de nouveaux enregistrements. Et ça s’est avéré être une collaboration fructueuse, le résultat était magnifique, Fred et Neal ont vraiment amélioré les morceaux, ces gars-là ont réussi le pari !

L&T: Qu’est-ce qu’ils ont pu apporter à ta musique ?
Grant: Tous deux ont parfaitement compris l'ambiance des pistes sur lesquelles ils jouent, et je pense que leur expérience a vraiment amélioré le résultat final.

L&T: Tu ne vas pas y échapper, je sais que tu es un grand amateur de rugby … Sur environ 60 rencontres, la France n’a battu que 12 fois les All Blacks, mais elle les a éliminés deux fois de la Coupe du Monde, en 1999 et en 2007 … Et les mêmes All Blacks ont gagné trois Coupes du Monde, dont deux en battant la France en finale ! Penses-tu que ces équipes puissent être liées d’une manière ou d’une autre ou même être considérées comme les deux meilleures ennemies ?
Grant: Tu vois, quand la France atteint sa vitesse de croisière, il n'y a pas de meilleure équipe à regarder jouer. En fait, ils ont ruiné ma lune de miel aux Fidji en 2007 quand ils nous ont renvoyés à la maison après les quarts de finale !!! Thierry Dusautoir a fait plus de quarante plaquages ce jour là … La France est définitivement notre équipe à éviter quand il s'agit de la Coupe du monde, c'est sûr. Après les All Blacks, La France est mon équipe préférée, et c'est la même chose pour beaucoup de Kiwis !

L&T: Si la France et la Nouvelle Zélande devaient se rencontrer en finale de la Coupe du Monde 2023 en France … Quel serait ton pronostic ?
Grant: Vous aurez l'avantage du terrain et si vous atteignez la finale, ce que vous devriez faire, vous serez TRÈS difficile à battre, peut-être que seuls les All Blacks auront une chance d’y parvenir !

L&T: Dernière question rugby ? Tu es plutôt Dan Carter, Jonah Lomu ou Brian Lochore ?
Grant: Lomu était un phénomène, il a fait plus pour le jeu que quiconque dans l'histoire du rugby, mais mon joueur préféré de tous les temps pourrait être tiré au sort entre Philippe Sella et Christian Cullen, tous deux avaient des compétences, une vitesse et une grâce qui n'ont pas été vues depuis. 

L&T: Pour en revenir à la musique … Quel est ton programme pour les semaines et les mois à venir ?
Grant: J’imagine que tu es assez impatient d’aller défendre ton album à la scène. Les tournées locales pour le moment, et quelques concerts en livestream …
 
L&T: A quoi faut-il s’attendre pour les concerts à venir ?
Grant: Du Blues avec la puissance d’un haka 

L&T: Que peut-on te souhaiter pour les mois qui viennent ?
Grant: La même chose que ce que je souhaite pour vous, que ce Covid s’en aille pour que nous puissions tous profiter à nouveau des spectacles en direct !

L&T: Quelle est la question que tu attendais et que j’ai oublié de te poser ?
Grant: "Avez-vous hâte de faire une tournée en France ?"
 
L&T: Et quelle aurait été ta réponse ? 
Grant: Combien es tu prêt à parier là-dessus ? (Rires)

L&T: Merci Grant Haua, on a vraiment hâte de te découvrir sur scène !
Grant: Moi aussi j’ai hâte ! Merci à toi également.


L&T le 18 Mars 2021
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